Un réfugié syrien armé d’un couteau a blessé jeudi six personnes, dont quatre enfants de 22 à 36 mois, dans un parc à Annecy, dans le sud-est de la France, une attaque « sans mobile terroriste apparent » qui a suscité une vague d’émotion en Europe.

L’agresseur, « un réfugié politique qui serait sans domicile fixe, arrivé à Annecy à l’automne 2022 », n’était « ni sous l’emprise de stupéfiants ni sous l’emprise d’alcool », a déclaré à la presse la procureure d’Annecy Line Bonnet-Mathis.

« En l’état, on n’a pas d’éléments qui pourraient nous laisser entendre qu’il y a une motivation terroriste », a-t-elle dit, ajoutant ne pas pouvoir exclure « à ce stade un acte insensé ».

Un examen psychiatrique est prévu vendredi matin, a précisé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, sur la chaîne de télévision TF1.

Selon le ministre, les autorités françaises lui ont notifié dimanche 4 juin qu’il ne pouvait obtenir l’asile en France puisqu’il l’avait déjà en Suède.

« Nous sommes bouleversés par cet acte odieux, inqualifiable », a pour sa part déclaré la Première ministre Élisabeth Borne, qui s’est rendue sur place.

 

Parties vitales visées

 

Les quatre enfants blessés, dont un Britannique et un Néerlandais, ont été transférés à Genève (Suisse) et à Grenoble après des premiers soins sur place. « Leur état de santé est extrêmement fragile, ils sont toujours en urgence absolue », a indiqué la procureure en précisant que l’attaquant avait visé « les parties vitales ».

Un adulte a été hospitalisé après avoir été blessé par l’agresseur puis touché par les tirs de la police pendant l’interpellation. Un autre adulte a été touché plus légèrement, selon la procureure.

 

 

 

Le chef de la diplomatie britannique James Cleverly, en déplacement à Paris, a exprimé sa « forte solidarité avec le peuple français en ces temps terribles ». « Toutes nos pensées vont à ceux touchés par cette attaque inconcevable, dont un enfant britannique », a déclaré le Premier ministre britannique Rishi Sunak depuis la Maison-Blanche.

Le président français Emmanuel Macron a pour sa part dénoncé une « attaque d’une lâcheté absolue ». Il est attendu à Annecy ce vendredi en compagnie de son épouse Brigitte.

Abdalmasih H., de nationalité syrienne et né en 1991, avait obtenu l’asile en Suède en 2013 où il a vécu pendant dix ans. « Il n’a pas pu obtenir la nationalité suédoise, donc il a décidé de quitter le pays. Nous nous sommes séparés parce que je ne voulais pas quitter la Suède », a confié son ex-épouse, jointe par l’AFP.

Sa mère, qui vit aux États-Unis depuis dix ans, a confié être « en état de choc ». Selon elle, il souffrait d’une « grave dépression ».

« Lui ne m’a rien dit. C’est ma belle-fille qui m’a dit ça », a-t-elle précisé. « Elle disait qu’il n’était jamais bien, toujours déprimé, avec des idées noires, il ne voulait pas quitter la maison, il ne voulait pas travailler… »

« Il a demandé la nationalité, il a eu un rejet », a priori parce qu’il a fait l’armée syrienne, a-t-elle poursuivi : « Ça l’a probablement rendu fou. »

Il était en situation régulière quand il est arrivé en France, il y a quelques mois. Dans une nouvelle demande d’asile déposée en France en novembre 2022, il s’était déclaré « chrétien de Syrie », selon une source policière. Et il portait une croix chrétienne quand il a été interpellé.

 

« Au nom de Jésus ! »

 

L’attaque est survenue vers 9 h 30 sur une aire de jeux, aux abords du Jardin de l’Europe, dans le centre historique d’Annecy.

L’homme vêtu d’un short noir, un foulard bleu noué sur la tête, s’est attaqué aux enfants sur une aire de jeux, selon des images du drame authentifiées par l’AFP. On le voit dans cette vidéo lever les bras au ciel et crier en anglais « au nom de Jésus ! ».

Selon différents témoignages, l’agresseur a tenté de s’enfuir et a attaqué une personne âgée avant d’être interpellé par la police, qui a ouvert le feu. Une enquête a été ouverte concernant ces tirs.

Les secours ont été alertés à 9 h 41 locales, l’intervention déclenchée immédiatement et l’homme interpellé quatre minutes plus tard, selon un chronométrage diffusé par la police.

 

 

« Je courais au bord du lac, et je vois tout d’un coup des dizaines de personnes qui courent dans le sens contraire. […] Il y a une maman qui me dit ‘’courez, courez ! Il y a quelqu’un qui poignarde tout le monde tout au long du lac, il a poignardé des enfants, courez !’’ », a témoigné l’ancien footballeur professionnel Anthony Le Tallec dans une story Instagram.

L’attaque a semé l’effroi dans cette ville d’eau habituellement très calme. « Ce qui s’est passé est inacceptable, effroyable. Ce n’est jamais arrivé sur Annecy », a déclaré le maire François d’Astorg.

L’attaque a suscité une avalanche de réactions dans le monde politique, des élus de droite et d’extrême droite mettant en avant l’origine et le statut de l’agresseur.

Après ce drame, « c’est toute notre politique migratoire et un certain nombre de règles européennes qu’il faut remettre en cause », a affirmé sur Twitter le président du Rassemblement national (ex-Front national, extrême droite) Jordan Bardella.

Un collectif d’extrême droite a manifesté dans la soirée à Annecy, malgré une interdiction par les autorités. Entre 30 et 50 militants ont chanté la Marseillaise avant de prendre la direction du parc puis de se disperser dans le calme.

 

 

Par Amélie Herenstein et Daniel Abelous.