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Nausée. Depuis mardi soir, et l’adoption par le Parlement français (349 voix pour, 186 voix contre) de la loi sur l’immigration, « nausée » est sans doute le mot qui revient le plus sur les réseaux sociaux.

Universités, ONG et syndicats français dénoncent l’accord politique sur le projet de loi sur l’immigration, symbole selon eux d’un basculement du parti présidentiel vers une idéologie extrémiste.

Le texte, largement durci au Sénat au terme de dix-huit mois de revirements et rebondissements, prévoit une série de mesures « indignes de notre pays », contraires à « l’esprit des Lumières » et qui « nuisent à l’ambition » de l’enseignement supérieur, se sont insurgés mardi les présidents d’une vingtaine de grandes universités publiques.

Parmi les mesures les plus sensibles, l’opposition de droite a obtenu dans le texte l’instauration de « quotas » fixés par le Parlement pour plafonner « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire.

Une autre mesure impose des conditions pour que les étrangers en situation régulière accèdent aux allocations familiales (cinq ans de résidence en France pour ceux qui ne travaillent pas, trente mois pour les autres) ou à l’aide au logement (cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas et trois mois pour les autres).

La loi prévoit par ailleurs un durcissement du regroupement familial, dont la nécessité pour le demandeur de disposer d’une assurance maladie, ou que son conjoint à l’étranger ait 21 ans au minimum plutôt que 18.

Pour l’accès à l’Aide personnalisée au logement (APL), une aide financière destinée à réduire le montant du loyer, qui constituait le principal point d’achoppement, une condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas, et de seulement trois mois pour les autres.

« Ces mesures indignes de notre pays mettent […] gravement en danger la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française, et nuisent à l’ambition de faire de notre pays un acteur majeur de la diplomatie scientifique et culturelle internationale », écrivent-ils dans un communiqué, publié quelques heures avant le vote à l’Assemblée nationale.

« Nous déplorons que la version [adoptée] vienne s’attaquer aux valeurs sur lesquelles se fonde l’Université française : celles de l’universalisme, de l’ouverture et de l’accueil, de la libre et féconde circulation des savoirs », ajoutent-ils.

Parmi les premiers signataires figurent notamment les présidents de plusieurs grandes universités parisiennes dont la Sorbonne, des universités d’Aix-Marseille, Bordeaux, Lyon I et Lyon II, Toulouse Jean-Jaurès ou encore Strasbourg.

Dans une tribune distincte, publiée par Le Parisien, les dirigeants de trois grandes écoles de commerce, HEC Paris, l’ESSEC et l’ESCP, dénoncent aussi des mesures « qui menacent gravement notre compétitivité internationale » et « anéantiraient l’objectif gouvernemental de doubler le nombre d’étudiants internationaux d’ici 2027 ».

Ils déplorent l’instauration de quotas pluriannuels pour les étudiants, qui « pousse à faire une croix sur l’apport » de « jeunes talents », et jugent que certaines dispositions, « loin d’être des solutions », sont « des entraves disproportionnées qui risquent de compromettre durablement l’avenir de l’enseignement supérieur français et de freiner l’ambition de notre nation de se positionner comme leader mondial dans la formation des nouveaux cadres de la transition écologique et technologique ».

« Le projet de loi le plus régressif depuis au moins 40 ans »

« L’examen de ce texte a peu à peu fait sauter des digues, laissant le champ libre à une xénophobie aujourd’hui complètement décomplexée », ont déploré de leur côté une cinquantaine d’associations, syndicats et ONG, dont la Ligue des droits de l’homme.

Le texte « n’est ni plus ni moins désormais que le projet de loi le plus régressif depuis au moins 40 ans pour les droits et conditions de vie des personnes étrangères, y compris celles présentes depuis longtemps en France », ont estimé ces organisations, énumérant les mesures emblématiques de la droite avalisées ces dernières heures par le camp présidentiel : rétablissement du délit de séjour irrégulier, enfermement et expulsions de personnes protégées au titre de la vie privée et familiale, quotas d’immigration, etc.

« Les principes d’égalité, de solidarité et d’humanité, qui fondent notre République, semblent ne plus être aujourd’hui une boussole légitime de l’action gouvernementale », ont-elles dénoncé.

« Supprimer les allocations familiales des familles étrangères, c’est priver des enfants de manger. Supprimer les APL, c’est priver ces mêmes enfants d’un toit. Une fabrique à grande pauvreté, à misère, à exploitation », a observé Delphine Rouilleault, directrice générale de l’association France terre d’asile.

« Cette journée doit signer la mobilisation de tous les humanistes, tout devra avoir été tenté pour arrêter cette course vers l’abîme », a abondé Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale d’une autre association, La Cimade.

Les grands syndicats français ne sont pas en reste. « Le président de la République sera comptable devant l’histoire d’avoir rompu le barrage républicain face à l’extrême droite », a tonné sur X la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, évoquant une « loi infâme ».

Sur BFMTV, elle a exprimé une colère face « au mensonge selon lequel l’immigration serait un problème pour la France alors que l’immigration, c’est ce qui fait la richesse de la France ».

« L’histoire jugera cet accord signé sur les bases d’une idéologie d’extrême droite », a également écrit la patronne de la CFDT Marylise Léon, estimant que le projet de loi « fait honte à notre pays ».

Le gouvernement a voulu « flatter une frange xénophobe de l’opinion publique » et a abouti à une copie qui « déroule le tapis rouge à l’extrême droite », a jugé lors d’une conférence de presse devant l’Assemblée nationale Aurélien Boudon, secrétaire national du syndicat Solidaires.

Quelque 200 manifestants se sont également rassemblés mardi soir place des Invalides, à Paris, pour dénoncer un texte qui avait fédéré contre lui plusieurs milliers d’opposants lundi partout en France, promettant d’entrer en « résistance » par la « désobéissance civile ».

« Avec cette loi, Macron cède aux fantasmes de la droite et de l’extrême droite », a fustigé Eléonore Schmitt, porte-parole de l’Union étudiante, syndicat qui a initié le rassemblement en soutien notamment aux étudiants étrangers, dont les conditions d’accès aux études en France ont été considérablement durcies par ce texte.

« Je fais partie de ces nombreux Français qui n’existeraient pas sans immigration », commente sur X une militante, à l’instar de nombreux autres internautes. « Alors je me suis réveillée avec la nausée. »

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