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Par Maha Hussaini à RAFAH, Palestine

À quelques centaines de mètres de la barrière frontalière qui sépare Rafah de l’Égypte, des dizaines de familles palestiniennes ont installé des tentes comme « solution ultime », acculées par les bombardements israéliens sur la bande de Gaza, après avoir dû quitter à plusieurs reprises maisons et abris.

Mais nombreux sont ceux qui envisagent désormais un nouveau déplacement alors qu’Israël menace de lancer une opération militaire sur Rafah, qui abrite désormais plus de la moitié des deux millions d’habitants de Gaza.

Dans le corridor de Philadelphie, étroite bande de terre de 14 km le long de la frontière entre la bande de Gaza et l’Égypte, Saleh Razaina s’est réfugié dans une tente après avoir été déplacé à six reprises depuis le début de l’offensive israélienne le 7 octobre.

Essayer de trouver un endroit sûr où rester les a, lui et sa famille, « physiquement et mentalement épuisés ».

« Je viens de Jabaliya [au nord de la bande de Gaza], j’ai cherché refuge dans différents endroits du nord au sud, dans la ville de Gaza, à Deir al-Balah, à Khan Younès, et maintenant nous sommes ici à Rafah. Quelques jours après notre arrivée, Israël a commencé à menacer d’attaquer Rafah », raconte à Middle East Eye ce père de quatre enfants, âgé de 42 ans.

« Au cours des cinq premières fois où nous avons été déplacés, je suis resté chez des parents et des amis. Mais ici à Rafah, je ne connais personne, donc je n’ai pas eu d’autre choix que de rester dans une tente avec ma femme, mes enfants et ma mère. »

« Je ne sais pas ce que je ferais ni où j’emmènerais ma mère âgée et mes enfants s’ils nous ordonnent de déménager à nouveau. »

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« Nous voulons retourner dans nos maisons »

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Au cours de la semaine dernière, Israël a intensifié ses attaques aériennes sur Rafah, lançant des dizaines de frappes aériennes meurtrières sur des quartiers densément peuplés et des immeubles résidentiels.

Selon Save the Children, plus d’1,3 million de personnes, dont 610 000 enfants, sont coincées à Rafah, qui constitue moins d’un cinquième de la superficie totale de Gaza.

N’ayant nulle part où aller, de nombreuses personnes, qui ont déjà été déplacées à plusieurs reprises, affirment qu’elles ne quitteraient pas leurs abris si Israël déclenchait une invasion terrestre à Rafah.

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« Je ne vais nulle part ailleurs. J’ai déjà été déplacé six fois jusqu’à présent. C’est le dernier endroit où nous pouvons aller », explique Saleh Razaina.

« Nous sommes arrivés jusqu’à la frontière avec l’Égypte parce que nous pensions que ce serait l’endroit le plus sûr, le dernier endroit où Israël pousserait les habitants. Maintenant, il n’est plus possible de les pousser plus loin, il nous est impossible d’aller ailleurs. Nous ne bougerons d’ici que pour aller dans la tombe. C’est notre dernière solution. »

Dans une tente à côté de celle de Saleh Razaina, Om Jehad Zaqqout, originaire de Tal al-Zaatar, dans le nord de la bande de Gaza, vit avec sa famille élargie, comprenant ses enfants, ses petits-enfants et sa belle-famille.

Elle raconte que chaque maison dans laquelle elle s’est réfugiée a été bombardée et démolie. Mais depuis leur arrivée à Rafah, poursuit-elle, les frappes aériennes israéliennes « n’ont pas cessé près des tentes ».

« C’est la troisième fois que nous nous déplaçons. Nous avons fui une première fois de notre maison vers la maison de nos proches. Leur maison a également été prise pour cible, alors je suis allée chez ma famille. Elle aussi a été bombardée. La troisième fois, nous avons été déplacés vers Nuseirat [dans le centre de la bande de Gaza], les Israéliens ont ensuite envahi [la zone] et nous sommes venus ici », énumère-t-elle à MEE.

« Notre maison a été démolie, ma mère est morte en martyre, mon neveu et les neveux de mon mari aussi, et nous sommes venus ici parce que les [Israéliens] nous ont dit de partir, que le sud était sécurisé. Ils nous ont suivis jusqu’ici et nous ont bombardés. [Des membres de] notre famille sont morts en martyrs ici. »

Même si sa maison à Gaza a été entièrement démolie, Om Jehad Zaqqout souhaite toujours y retourner et « installer une tente sur ses décombres ».

« Aucun pays ne se soucie [de la situation à Gaza], ils ne font que regarder. Nous ne voulons pas d’aide, nous voulons retourner dans nos maisons et continuer notre vie là-bas. Nous luttons ici. Dieu seul sait comment nous vivons ici malgré ce froid. »

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L’ONU « alarmé »

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Washington a averti jeudi d’un « désastre » à Rafah et assuré ne pas soutenir une opération « sans une planification sérieuse » concernant les civils sur place. « Je pense, comme vous savez, que la riposte […] dans la bande de Gaza a été excessive », a déclaré le président américain, Joe Biden.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est aussi dit « alarmé » par une telle opération qui selon lui « aggraverait de façon exponentielle l’actuel cauchemar humanitaire dont les conséquences régionales sont déjà incalculables ».

Le diplomate en chef de l’Union européenne (UE) Josep Borrell a affirmé de son côté qu’une offensive sur Rafah « entraînerait une catastrophe humanitaire indescriptible ».

La France a exhorté Israël à l’arrêt des combats pour éviter « un désastre ».

« Une offensive israélienne à grande échelle à Rafah créerait une situation humanitaire catastrophique d’une nouvelle dimension et injustifiable », a réagi le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères Christophe Lemoine. « Afin d’éviter un désastre, nous réitérons notre appel à un arrêt des combats », a-t-il ajouté dans une déclaration écrite.

Le Hamas a averti dimanche qu’une offensive militaire israélienne contre Rafah, à l’extrême sud de la bande de Gaza, menacerait les négociations sur la libération des otages détenus dans le territoire.

« Ceux qui disent qu’il ne faut absolument pas entrer dans Rafah sont en réalité en train de nous dire qu’il faut perdre la guerre, et laisser le Hamas sur place », a déclaré le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, selon des extraits d’un entretien à la chaîne ABC News qui doit être diffusé ce dimanche, qualifiant Rafah de « dernier bastion » du mouvement islamiste.

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Une Palestinienne et son enfant, qui ont fui leur maison à cause des frappes israéliennes, se sont réfugiés dans un camp de tentes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, près de la frontière avec l’Égypte, le 6 février 2024 (Reuters/Mohammed Salem)
Une Palestinienne et son enfant, qui ont fui leur maison à cause des frappes israéliennes, se sont réfugiés dans un camp de tentes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, près de la frontière avec l

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Israël assurera « un passage sécurisé à la population civile pour qu’elle puisse quitter » la ville, adossée à la frontière fermée avec l’Égypte, a-t-il ajouté, sans préciser où les civils pourraient se réfugier.

Hajar Srour, 52 ans, habitante de Khan Younès, près à Rafah, avait ouvert sa maison à des dizaines de proches déplacés avant qu’ils ne soient tous obligés de la quitter lorsque les attaques se sont intensifiées.

« Avec les habitants du nord, nous partagions le même refuge. Notre maison comprend quatre étages, chaque étage pouvant abriter au moins 50 personnes. À chaque bombardement, nous courions et descendions la rue. Nous nous cachions dans les maisons des voisins pendant deux ou trois trois heures jusqu’à ce que les bombardements s’arrêtent », relate-t-elle à MEE.

« Mais ensuite, les Israéliens ont dit que nous devions quitter Khan Younès. Nous voulions partir, mais nous réfléchissions à l’endroit où nous pourrions aller, aussi nombreux. Nous avons donc été dispersés. Certains portaient leurs vêtements, d’autres non, certains ne portaient rien avec eux.

« Au-dessus de nos têtes, des quadricoptères ouvraient le feu. Nous sommes montés dans des voitures et ils ont continué à tirer sur nous. Nous ne savions pas si nous allions survivre ou non. »

Hajar craint qu’une fois que l’armée israélienne aura terminé sa vaste opération à Khan Younès, elle n’ordonne aux familles des camps de déplacés de repartir. Mais comme la plupart des Palestiniens déplacés, elle ne sait pas non plus où ils iraient.

Les villes de Khan Younès et Rafah étaient auparavant désignées comme zones de sécurité : l’armée israélienne donnait l’ordre aux habitants de s’y réfugier.

« Nous sommes arrivés près de la barrière frontalière avec l’Égypte. Mais maintenant, quelle est la prochaine étape ? Quand il auront fini à Khan Younès [ils viendront à Rafah]. Où irons-nous alors ? Ici à Rafah, nous sommes environ 1,5 million de personnes déplacées », rappelle-t-elle.

« Il n’y a personne vers qui nous tourner. Il n’y a aucun espoir, les Israéliens ne nous ont pas laissé le choix. Ils ne nous laissent pas l’espoir de dire que nous pourrons rentrer chez nous demain ou après-demain. »

Haitham Jerjawi, 37 ans, explique être parti à Rafah avec sa famille pour se mettre à l’abri des intenses bombardements sur Khan Younès. Finalement, ils se retrouvent confrontés à « d’autres horreurs ».

« Nous nous sommes d’abord rendus à l’école Maan [à Khan Younès]. Là, nous sommes restés quelques jours avant qu’on nous dise d’aller à Rafah. Ce que nous avons fait. Nous sommes arrivés à Rafah et avons découvert des horreurs et des bombardements. Nous sommes déjà assiégés et dévastés, et surtout, nous avons atteint un point où nous nous retrouvons sous les bombardements. Nous avons peur à chaque minute. Nos cœurs ne sont ni de fer ni de pierre. »

Avec sa femme et ses enfants, ils « préfèrent la mort » à un autre déplacement, assure-t-il. « Où irions-nous ? Nous nous déplaçons d’une région à une autre avec nos enfants, qui sont choqués. Soit nous resterons ici jusqu’à la fin de cette guerre, soit ils nous tueront et nous reposerons enfin en paix. »

 

 

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