
Désinformation meurtrière : comment les fake news ont enflammé la Syrie
Au cours du week-end dernier, alors que la Syrie sombrait dans la pire flambée de violences depuis la chute de la dictature en décembre 2024, les réseaux sociaux ont été inondés d’une vague sans précédent de fausses informations.
Plus de huit cents personnes ont été tuées depuis le 6 mars, et c’est dans la ville côtière de Jableh, près de Lattaquié, que tout a commencé : un internaute annonçait “Ils brûlent le village maintenant”, un autre rétorquait “Je suis à Jableh, il n’y a aucun tir”, plongeant les habitants dans la confusion et la peur.
Pendant que des partisans de l’ancien régime lançaient des attaques contre les nouvelles forces de sécurité, des comptes anonymes multipliaient sur Facebook et X des textes alarmistes, des cartes de position de troupes fabriquées de toutes pièces et même des vidéos truquées grâce à l’intelligence artificielle : voix de responsables locaux, discours incendiaires et images d’anciens bombardements à la bombe-baril, présentés à tort comme récents.
Selon l’ONG syrienne de fact-checking Verify-Sy, “le niveau de coordination entre acteurs malveillants en ligne n’a jamais été aussi élevé depuis la libération de la Syrie”.
Dans des salons de discussion privés, on exhortait la minorité alaouite et d’autres communautés à fuir sous prétexte d’un “génocide imminent”, tout en appelant les hommes à prendre les armes contre les postes gouvernementaux.
Les publications mêlaient réalité et imposture : si certains clichés de crimes de guerre étaient authentiques, d’autres remontaient à 2012 ou provenaient de conflits étrangers, tandis que des nécrologies annonçaient la mort de personnes qui réapparaissaient ensuite vivantes, parfois hors de Syrie.
Cette décharge de désinformation a trouvé un terreau fertile dans un contexte où les médias indépendants font défaut et où le gouvernement intérimaire peine à communiquer clairement.
L’activiste et chercheuse Noura Aljizawi, du Citizen Lab de l’Université de Toronto, souligne que “les réseaux sociaux sont devenus la principale source d’information” pour une population en manque de repères fiables.
À cela s’ajoute la multiplication d’interventions étrangères : milices pro-iraniennes en Irak et au Liban relayant un discours sectaire, campagnes d’intox de la part de Moscou et de Tel-Aviv, et même amplification, sur X, de propos erronés par des personnalités comme Elon Musk ou Tucker Carlson, contribuant à fragiliser la légitimité de la nouvelle autorité.
Face à cette crise, l’exécutif de transition a annoncé la création d’une commission indépendante pour enquêter sur d’éventuels crimes de guerre et l’arrestation de deux suspects.
Des voix émergent enfin pour réclamer une veille informationnelle commune, mêlant autorités officielles, médias indépendants et fact-checkers, afin de contrer immédiatement les fake news et de restaurer la confiance d’une population épuisée par dix-quatorze années de guerre et de manipulations numériques.
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