« Un drame a été évité » : cinq collégiennes terminent dans la Seine lors d’une sortie aviron à Rouen

Il y a de la colère chez les parents. Et les enfants. Lundi 4 novembre 2024, vers 11h30, un accident s’est produit lors d’une séance d’aviron. Cinq adolescentes scolarisées au collège Barbey-d’Aurevilly à Rouen (Seine-Maritime) ont fini à la Seine.

Emportée par le courant, leur yolette — embarcation de cinq places en aviron — s’est fracassée sur un des pylônes du pont Corneille. Après une grosse frayeur, les cinq collégiennes sont parvenues à sortir de l’eau sans trop d’égratignures. Alors, que s’est-il passé ?

« L’eau était très agitée »

 

Nesma, 14 ans, raconte. L’élève de 4e suit depuis le début d’année des cours d’aviron avec le collège. Elle a déjà fait plusieurs sorties sur l’eau. Il n’y a jamais eu de problème. Jusqu’à ce lundi.

Vers 10h30, Nesma et quatre de ses camarades prennent place dans un bateau d’aviron, une yolette. Elles partent pour naviguer sur la Seine.

« On a demandé pour avoir des gilets de sauvetage. L’eau était très agitée. Mais un moniteur nous a dit qu’il n’y avait pas de risques et qu’il n’y avait pas besoin de gilets », confie-t-elle. Une version confirmée par deux autres collégiennes interrogéesNesmacollégienne de 14 an

Dans leur bateau, elles sont cinq : quatre rameuses et une barreuse, celle qui doit diriger le bateau. « Il y avait un bateau qui nous suivait, mais il n’était pas toujours à côté de nous car il y avait d’autres groupes », confie Nesma.

Moment de panique

 

Au moment de l’incident, le club assure que les cinq collégiennes étaient les seules encore sur l’eau. « C’est arrivé en fin de séance », souligne Nicolas Petit, le président du club d’aviron de Rouen.

La Seine est agitée, le courant rend les manœuvres difficiles. Les adolescentes sont déportées et commencent à paniquer. Elles alertent leur moniteur.

« Au moment où elles ont perdu le contrôle du bateau, notre coach a voulu aller à leur rencontre. Mais le moteur de son bateau a lâché. Il a dû finir à la rame », poursuit Nicolas Petit. Sauf que le temps d’intervenir, c’est déjà trop tard.

« Sur l’eau, lorsqu’il y a des jeunes, il y a toujours un moniteur qui les encadre sur un bateau de sécurité. Il peut encadrer jusqu’à 20 élèves », précise-t-il. Lors de la séance, le président du club indique qu’il y avait également un deuxième bateau avec une monitrice, qui « est là en prévention ».

« On pensait qu’on allait mourir »

 

Malgré ce dispositif, leur embarcation heurte l’un des pylônes du pont Corneille, puis se fracasse. « On était dans la Seine », poursuit Nesma.

Son pied reste coincé dans le bateau. Elle tire pour s’extraire et y parvient difficilement. Ses autres camarades s’agitent autour d’elle. Tout le monde panique. Certaines tombent à l’eau.

Nesma parvient à s’extraire et nage en direction du deuxième bateau de la monitrice, qui ne se trouve pas très loin. D’autres restent accrochées difficilement à la carcasse du bateau, en attendant que le deuxième bateau vienne les récupérer.

Varvara, une camarade de Nesma, était au poste de barreuse. « Une corde m’entourait et je n’arrivais pas à l’enlever ». Quand le bateau s’est cassé, elle a fini à l’eau. « Le courant commençait à m’emporter, j’ai bu la tasse, mais j’ai réussi à nager vers le bateau de la monitrice », témoigne-t-elle.

Une bouée est lancée et elle parvient à s’accrocher. « J’étais épuisée, je n’avais plus de force. » Finalement, elle est remontée à bord du bateau de la monitrice, saine et sauve. De cette sortie sur l’eau, la collégienne garde quelques bleus sur les bras, les cuisses et une douleur au pied, et une mauvaise expérience.

Les deux bateaux de sécurité récupèrent finalement les cinq élèves, qui sont ramenées sur la terre ferme. Les pompiers arrivent quelques instants après et le prennent en charge avant de les transporter au CHU de Rouen.

Pourquoi le bateau a cassé ?

 

« Ça m’a étonné que le bateau se casse si facilement. Le choc n’a pas été si violent », analyse Nesma, quelques jours après l’incident. Et d’ajouter : « J’aurais préféré plus de sécurité. »

Sur ce point, Nicolas Petit répond que « même si ce sont des bateaux solides, ça reste des embarcations assez fragiles. Au niveau des pylônes, il y a un fort courant, ce qui a pu accélérer l’embarcation et provoquer le choc », justifie-t-il.

Le lendemain, de retour au collège, Nesma est convoquée par l’infirmière scolaire et une psychologue. « J’ai raconté ce qu’il s’est passé. On m’a dit que si j’avais besoin de venir, je pouvais aller les voir. » De son côté, Nicolas Petit indique avoir échangé avec l’établissement pour prendre des nouvelles des collégiennes.

« J’appréhende la prochaine séance, je n’ai pas envie d’y aller », soupire la collégienne. Même sentiment du côté de ses camarades interrogées, elles non plus ne souhaitent plus aller sur l’eau.

Mercredi 6 novembre, les parents ont reçu un message du collège. « Le cycle aviron se termine le 18 novembre 2024. La dernière séance se déroulera, comme prévu initialement à terre à la base nautique de l’Île Lacroix, encadrée par le personnel du club et leur enseignant d’EPS. »

« Les règles de sécurité ont été respectées », assure le club

 

La mère de Nesma réfléchit à déposer plainte. « On voulait faire ça avec plusieurs parents », explique-t-elle. Avant de poursuivre, agacée : « Ce qui m’a paru démentiel, c’est qu’il n’y avait pas de gilets ».

« Je trouve que ce n’est pas normal, peste Abdullah, le père de Varvara. Faire de l’aviron avec un courant aussi fort, ce n’est pas professionnel. C’est mettre en danger la vie des enfants. » Lui aussi envisage une plainte.

« Un drame a été évité. Les conditions n’étaient pas bonnes. Mais je ne veux blâmer personne. Le principal, c’est que ma fille aille bien », confie un autre parent qui souhaite conserver l’anonymat.

Concernant la question des gilets de sauvetage, « dans le monde de l’aviron, ce n’est pas obligatoire. Ce sont des élèves qui étaient à leur 5e ou 6e séance. Elles n’étaient pas complètement débutantes », justifie Nicolas Petit.

« Ce sont des choses qui peuvent arriver », conclut le président du club, qui estime que « les règles de sécurité ont été respectées ».

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