Retour des cendres … Assad a-t-il remis les archives de l’espion à Israël ? … Morhef Mino 

Dans le tumulte des récits complexes des guerres de renseignement et de mémoire, Israël a récemment ravivé le dossier d’« Eli Cohen », l’espion célèbre exécuté en Syrie en 1965 après avoir réussi à infiltrer les coulisses du pouvoir au point de devenir « le deuxième homme de Damas », comme l’ont décrit les médias israéliens eux-mêmes.

Ce qui est frappant, ce n’est pas seulement le retour de la discussion autour de Cohen, mais les documents que Israël a soudainement exposés, après des décennies de mystère, comme pour reformuler l’histoire, non pas telle qu’elle s’est réellement passée, mais telle qu’elle souhaite la présenter à un nouveau public, dans un contexte en mutation.

D’où Israël a-t-elle obtenu ces documents détaillés, dont certains, selon les suppositions, n’étaient même pas connus des archives du renseignement syrien ?

En juillet 2018, Israël a fièrement annoncé avoir « récupéré la montre d’Eli Cohen », dans le cadre d’une « opération spéciale menée par le Mossad dans un pays hostile ».

Le pays n’a pas été nommé, et les détails de l’opération n’ont pas été révélés, mais les soupçons se sont rapidement portés sur Damas, puisque Cohen a été exécuté et enterré en Syrie, et ses effets personnels seraient restés entre les mains du régime d’Assad fils.

Cette annonce est passée presque inaperçue dans les médias officiels syriens, sans mention, démenti ou commentaire — chose rare dans des affaires touchant à la souveraineté et à la dignité nationale — ce qui a ouvert la porte à des conjectures audacieuses : le régime syrien a-t-il réellement remis la montre, et peut-être d’autres objets ?

Ces derniers mois, Israël a dévoilé des documents écrits et visuels que des responsables israéliens qualifient de faisant partie des « archives d’Eli Cohen », comprenant des correspondances personnelles, des rapports qu’il envoyait au Mossad, et des informations précises sur ses déplacements à Damas.

Ce qui est étrange, c’est que certains de ces documents ne figuraient pas parmi ceux que Cohen avait précédemment transmis par radio, ce qui soulève une question essentielle : comment sont-ils arrivés à Tel-Aviv ?

Le Mossad aurait-il mené une nouvelle opération d’espionnage à Damas ? Ou ces documents sont-ils simplement un cadeau non annoncé du régime Assad, dans le cadre d’un accord plus large ?

L’hypothèse la plus probable aujourd’hui, en l’absence de tout démenti officiel syrien et au vu du calendrier précis de la divulgation, est que le régime du criminel Bachar Assad a remis la montre et les documents à Israël, vraisemblablement par l’intermédiaire d’un agent russe, en échange de gains non révélés.

Ces gains pourraient être politiques, sécuritaires, ou simplement une tentative d’obtenir un « point de contact » avec l’Occident, à une époque où Damas était isolée internationalement.

Ce qui est frappant, c’est qu’Israël n’a pas tout révélé d’un coup. Comme toujours, elle a choisi de publier les informations par tranches, pour maintenir l’élan.

Le choix du moment de la publication n’est pas innocent. La nouvelle Syrie souffre de divisions internes, d’une faiblesse institutionnelle, et d’une perte quasi totale de souveraineté dans certaines régions.

Dans ce contexte, la résurgence du dossier Eli Cohen semble être un double message politique :

À l’intérieur d’Israël : « Nous n’oublions pas nos agents, et nous avons une main longue partout. »

Aux ennemis, surtout au nouveau gouvernement : « Nous avons infiltré Assad hier, et vous êtes maintenant trop faibles pour cacher vos secrets. »

Israël sait utiliser le temps comme un outil de guerre psychologique. Elle ne publie rien sans but. Chaque document exposé, chaque scène diffusée dans une série ou un documentaire porte un message implicite : votre mémoire est piratée, votre histoire est écrite par nous.

Si l’hypothèse de la remise par Assad des documents et de la montre est vraie, ce qui s’est passé ne peut pas être lu simplement comme un échange d’informations, mais comme une tentative de normalisation symbolique, froide et discrète, sous la table, au niveau des archives et des symboles.

Imaginez un régime arabe qui, il y a quelques mois encore, clamait la « résistance », remettant à Israël les biens et secrets d’un espion exécuté au cœur de Damas, sans contrepartie publique, et sans même défendre un « récit de dignité ».

C’est un moment charnière dans l’histoire de la guerre froide arabe-israélienne, mais qui ne se joue pas sur les fronts, mais dans les dossiers du renseignement et les coffres de la mémoire.

Ce qu’Israël a fait n’est pas qu’une révélation de documents sur « Eli Cohen ». C’est une nouvelle exposition de la vulnérabilité d’Assad, qui pourrait l’avoir lui-même donnée, par incapacité ou par désir de survivre. Entre le silence et l’euphorie israélienne, l’histoire reste perplexe : qui détient la vérité ? Qui la vend ? Qui l’écrit ?

Et si les documents sont effectivement arrivés de Damas à Tel-Aviv, il est probable que nous assisterons à d’autres épisodes de cette longue guerre symbolique… une guerre où l’on ne tue pas de soldats, mais où la mémoire est assassinée.

مقالات ذات صلة

اترك تعليقاً

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني. الحقول الإلزامية مشار إليها بـ *

زر الذهاب إلى الأعلى